86.

À cet instant précis, une explosion assourdissante ébranla le bas-ventre de l’hélicoptère. La secousse fut telle que Carroll eut l’impression que ses os s’entrechoquaient.

Son crâne heurta violemment le toit métallique du cockpit et des éclairs de douleur lui labourèrent les orbites.

Une deuxième détonation retentit, agitant à nouveau l’habitacle en tous sens.

Le pare-brise était constellé de fissures en forme d’étoiles. Le fracas des impacts de balles sur le métal résonnait dans tout le poste le pilotage. Des fulgurations rouges incandescentes sillonnaient rageusement le ciel.

— Je suis touché ! lâcha Luther Parrish dans un râle, avant de s’écrouler en avant.

Une mitrailleuse pétaradait tumultueusement, sur la gauche de Harroll. Celui-ci entrevit alors brièvement des lampes clignotantes rouges en suspension sur la droite de leur appareil, et les formes massives de deux hélicos apparurent, comme surgies du néant.

Nom de Dieu !

Deux hélicoptères Cobra les attaquaient !

Le ciel s’emplit d’orbes de lumière jaune trépidante, de feu rugissant et de tourbillons de fumée noire.

L’autre hélicoptère de la police se désintégra d’un coup, sous les yeux incrédules de Carroll.

À l’endroit où l’engin volait, à peine quelques secondes plus tôt, il n’y avait plus qu’une boule de flammes dorées et orange. Puis plus rien, sinon cette image rémanente sinistre qui s’évanouissait déjà dans le ciel.

Carroll réalisa que Luther Parrish était gravement touché. Du sang s’écoulait à profusion d’une blessure, quelque part sur la partie gauche de son crâne. Par ailleurs, les circuits électriques de la cabine de pilotage avaient l’air hors d’usage.

L’engin avait commencé à dégringoler et tournait inexorablement sur lui-même.

Carroll déchargea son M 16 sur l’un des deux Cobra. La lumière rouge clignota comme un clin d’œil ironique puis l’appareil disparut tranquillement de son champ de vision.

Carroll se figea. Il se sentait plaqué avec force sur son siège. Son sang bouillonnait dans sa tête. L’hélicoptère de la police venait de se retourner.

L’engin en chute libre partit alors en tournoyant vers le bas, vers le néant gris vaporeux des chantiers de constructions navales de Brooklyn, loin en dessous.

Carroll vit le dessus d’un toit plat et noir surmonté d’un réservoir d’eau s’approcher à toute vitesse. L’hélicoptère tourbillonnant rasa une étendue de bâtiments industriels sur au moins la longueur d’un pâté de maisons. Il manqua de peu de percuter une cheminée d’usine fumante. La queue de l’appareil fut arrachée par un haut mur de soutènement en briques.

Un quadrillage de rues et d’avenues désertes apparut par le pare-brise tandis que l’hélico dépassait le dernier immeuble. Des voitures étaient garées des deux côtés, en longues rangées inégales.

Carroll empoigna instinctivement les commandes. Ayant volé de trop nombreuses fois à bord d’hélicoptères au Vietnam, il savait à quoi chacune des manettes de pilotage correspondait, mais il ignorait globalement la façon de s’en servir. Il tremblait de tout son corps. Sa colonne vertébrale était parcourue de spasmes frénétiques.

Il était en proie à une terreur extrême, qui surpassait tout sentiment de peur qu’il n’eût jamais connu dans sa vie. Une peur plus intense que toutes celles qu’il avait pu éprouver au combat ou dans l’exercice de ses fonctions de policier.

Le ventre de l’hélicoptère arracha les toits d’une demi-douzaine de voitures en stationnement. Carroll se couvrit le visage et s’affala sur Luther Parrish, dans l’idée pathétique de lui faire un ultime rempart de son corps.

L’appareil s’écrasa sur le flanc dans la rue. Il dérapa sur la chaussée, agité de violents soubresauts. Le grincement strident de la tôle froissée déchira les oreilles de Carroll. Il sentit son sang se glacer.

Des étincelles et des flammes rouge vif fusaient dans toutes les directions. Des ailes entières, des phares, des pare-chocs de voitures je trouvant sur le chemin de l’engin étaient emportés sans effort. De l’eau jaillissait d’une bouche d’incendie décapitée.

Glissant toujours sur le côté, l’hélico ralentit, aplatissant deux voitures supplémentaires avant de s’immobiliser laborieusement, dans un boucan d’enfer.

Un homme vêtu d’un uniforme de vigile courait comme un fou, descendant la rue déserte en zigzaguant pour rejoindre le lieu de cet invraisemblable accident.

— Hé !… Hé ! Ma voiture ! C’est ma voiture !

Carroll, hébété, tenait délicatement le pilote blessé dans ses bras.

— Tiens bon. Accroche-toi, chuchota-t-il, espérant que Parrish n’était pas déjà mort. Accroche-toi, Luther, mon pote.

Puis il s’ébroua, entreprit de s’extirper de l’épave en flammes de l’appareil. Il traînait le robuste pilote de la police autant qu’il le portait.

Il s’assit contre un mur, à l’abri des flammes, fouilla nerveusement le ciel des yeux à la recherche des Cobra des vétérans, mais ne vit rien à l’horizon.

Les deux engins auraient tout aussi bien pu sortir d’un improbable cauchemar. Carroll avait l’impression de se retrouver en pleine guerre. Tout ça ressemblait en tout point au service commandé.

Si ce n’est que l’hélicoptère s’était écrasé dans les rues de Brooklyn.

Vendredi Noir
titlepage.xhtml
vendredi noir_split_000.htm
vendredi noir_split_001.htm
vendredi noir_split_002.htm
vendredi noir_split_003.htm
vendredi noir_split_004.htm
vendredi noir_split_005.htm
vendredi noir_split_006.htm
vendredi noir_split_007.htm
vendredi noir_split_008.htm
vendredi noir_split_009.htm
vendredi noir_split_010.htm
vendredi noir_split_011.htm
vendredi noir_split_012.htm
vendredi noir_split_013.htm
vendredi noir_split_014.htm
vendredi noir_split_015.htm
vendredi noir_split_016.htm
vendredi noir_split_017.htm
vendredi noir_split_018.htm
vendredi noir_split_019.htm
vendredi noir_split_020.htm
vendredi noir_split_021.htm
vendredi noir_split_022.htm
vendredi noir_split_023.htm
vendredi noir_split_024.htm
vendredi noir_split_025.htm
vendredi noir_split_026.htm
vendredi noir_split_027.htm
vendredi noir_split_028.htm
vendredi noir_split_029.htm
vendredi noir_split_030.htm
vendredi noir_split_031.htm
vendredi noir_split_032.htm
vendredi noir_split_033.htm
vendredi noir_split_034.htm
vendredi noir_split_035.htm
vendredi noir_split_036.htm
vendredi noir_split_037.htm
vendredi noir_split_038.htm
vendredi noir_split_039.htm
vendredi noir_split_040.htm
vendredi noir_split_041.htm
vendredi noir_split_042.htm
vendredi noir_split_043.htm
vendredi noir_split_044.htm
vendredi noir_split_045.htm
vendredi noir_split_046.htm
vendredi noir_split_047.htm
vendredi noir_split_048.htm
vendredi noir_split_049.htm
vendredi noir_split_050.htm
vendredi noir_split_051.htm
vendredi noir_split_052.htm
vendredi noir_split_053.htm
vendredi noir_split_054.htm
vendredi noir_split_055.htm
vendredi noir_split_056.htm
vendredi noir_split_057.htm
vendredi noir_split_058.htm
vendredi noir_split_059.htm
vendredi noir_split_060.htm
vendredi noir_split_061.htm
vendredi noir_split_062.htm
vendredi noir_split_063.htm
vendredi noir_split_064.htm
vendredi noir_split_065.htm
vendredi noir_split_066.htm
vendredi noir_split_067.htm
vendredi noir_split_068.htm
vendredi noir_split_069.htm
vendredi noir_split_070.htm
vendredi noir_split_071.htm
vendredi noir_split_072.htm
vendredi noir_split_073.htm
vendredi noir_split_074.htm
vendredi noir_split_075.htm
vendredi noir_split_076.htm
vendredi noir_split_077.htm
vendredi noir_split_078.htm
vendredi noir_split_079.htm
vendredi noir_split_080.htm
vendredi noir_split_081.htm
vendredi noir_split_082.htm
vendredi noir_split_083.htm
vendredi noir_split_084.htm
vendredi noir_split_085.htm
vendredi noir_split_086.htm
vendredi noir_split_087.htm
vendredi noir_split_088.htm
vendredi noir_split_089.htm
vendredi noir_split_090.htm
vendredi noir_split_091.htm
vendredi noir_split_092.htm
vendredi noir_split_093.htm
vendredi noir_split_094.htm
vendredi noir_split_095.htm
vendredi noir_split_096.htm
vendredi noir_split_097.htm
vendredi noir_split_098.htm
vendredi noir_split_099.htm
vendredi noir_split_100.htm
vendredi noir_split_101.htm
vendredi noir_split_102.htm
vendredi noir_split_103.htm
vendredi noir_split_104.htm
vendredi noir_split_105.htm
vendredi noir_split_106.htm
vendredi noir_split_107.htm
vendredi noir_split_108.htm
vendredi noir_split_109.htm
vendredi noir_split_110.htm